L’EXPOSITION « FACES CACHÉES »
« la marge, c’est ce qui tient la page »
Jean-Luc Godard
L’exposition Faces cachées, réunit trois générations de photographes chiliens, représentés par Zaida González, Alejandro Hoppe, Alvaro Hoppe, Luis Navarro, Claudio Pérez et Leonora Vicuña.
Ancrés dans une terre à la géographie tourmentée, et où le trauma de l’histoire récente reste palpable, les travaux de ces photographes possèdent une valeur artistique expressive et originale. Si l’oeil de certains s’est forgé sous la dictature, dans la rue, au cœur de combats qui s’y sont déroulés, le regard des autres reflète un intérêt marqué pour les franges marginales de la société chilienne. Il se dégage de l’ensemble une vision poétique particulière, parfois insolite, née dans la transition d’un siècle à l’autre, du XXème au XXIème.
Chacun de ces photographes, puisant dans l’expérience intime de sa relation au pays, avec ses territoires humains, ses contrastes, son histoire, est allé à la recherche de ce que l’on ne veut pas voir, qui n’est plus ou a disparu. Comme si capter l’interdit, le lointain, l‘insaisissable demeurait toujours une quête. Tous incarnent non seulement la résistance à l’ordre établi mais aussi un attachement profond à ces communautés « invisibles » qui peuplent leur pays. C’est dans cette recherche d’un « autre » Chili que se place l’exposition Faces cachées, et dans une tentative de lever le voile sur les coins d’ombres d’un Chili oublié, mais bien vivant.
Parabole d’un temps qui, s’il paraît avancer, renvoie dos à dos les époques, Faces cachées invite le visiteur à regarder la société chilienne en coin, par le biais de ses marges. La mémoire est-elle une source pour l’avenir? La marge tient-elle la page ? Une chose est sûre: comme dans toute œuvre d’art, l’implication et la recherche constituent un vecteur dynamique. L’engagement des photographes dans cette quête, qui a parfois failli leur coûter la vie, est leur premier moteur.
Chacun d’entre eux s’approprie des pans entiers de l’histoire contemporaine et passée, laissant percer les faisceaux d’une lumière rayonnante qui dévoile quelques-unes des Faces cachées de ce singulier et complexe pays du bout du monde.
Exposition organisée par La Maison de l’Amérique latine et la galerie NegPos, Nîmes avec le concours de l’ambassade du Chili en France, du Conseil National des Arts et de la Culture (CNCA) et de la Direction des Affaires Culturelles du Chili (DIRAC)
PATRICE LOUBON. Commissaire de l’expo
«Faces cachées, photographies chiliennes, 1980-2015»
Pourquoi ce titre ?
Parce que ces photos se réfèrent a l’histoire de la dictature (1973-1990), qui n’a pas été abordée au Chili. Une histoire traumatique, avec des blessures internes au sein des familles, entre partisans de Pinochet et défenseurs de la démocratie. Deux Chili toujours actuels car la réparation menée en Argentine, où des procès spectaculaires ont résorbé le passé, n’a pas eu lieu.
Comment avez-vous sélectionné les photographes ?
De façon à couvrir les trente-cinq dernières années, de la dictature jusqu’à nos jours. Dans cet échantillon, il y a Claudio Pérez, qui témoigne de l’identité du peuple chilien notamment à travers la culture indigène. Je montre aussi le travail de Zaïda Gonzalez qui préfère s’écarter de la photo documentaire et utiliser la technique du coloriage. Elle réussit néanmoins à traiter de sujets tabous comme la question de l’avortement, qui a entraîné la démission d’un ministre
II n’existe donc aucune filiation entre ces trois générations ?
Eh bien si. Ils sont presque tous originaires de Santiago, ville ou fut créée, en 1981, l’Association de la photographie indépendante. Par ailleurs, les fondateurs de l’AFI, qui, est passée d’une vingtaine à une centaine de membres vingt ans plus tard, y ont presque tous enseigné, fédérant les pratiques artistiques. -Propos recueillis par S.Si.